Article original le 29 novembre 2023
De nombreux politiciens, défenseurs et experts Les partis politiques souhaitent décourager la croissance des dépenses du gouvernement fédéral. La restriction des dépenses (ralentissement de la croissance) ou l'austérité pure et simple (coupes budgétaires) sont des solutions légitimes que les partis politiques peuvent proposer aux électeurs. En fin de compte, les électeurs doivent choisir entre des partis ayant des points de vue différents sur la taille et le rôle appropriés du gouvernement dans l'économie et la société.
Ce qui mérite davantage d’attention à l’approche des prochaines élections canadiennes est l’idée de légiférer sur des algorithmes simples comme substitut à l’exercice d’un jugement responsable par nos dirigeants élus.
Bien que ces algorithmes aient un certain attrait politique et public, en particulier auprès des personnes de droite, il est important de noter l’échec de politiques similaires aux États-Unis, ainsi que les problèmes clés qui devraient être résolus au Canada et qui pourraient contrecarrer leur objectif.
Une invention américaine
Les idéologues américains qui ont inventé ces dispositifs croient que, laissé à lui-même, l’État va croître et que les politiciens élus seront incapables ou peu disposés à freiner cette croissance.
Ils ont mis au point une panoplie de mesures législatives qui, selon eux, obligent les politiciens réticents à faire des choix et à surmonter leur réticence à réduire les dépenses de l'État. Certains Canadiens ont été séduits par ces mesures.
- Plafonds de la dette Les politiques de financement participatif sont une approche que l’on observe régulièrement à Washington. En théorie, le fait de fixer un plafond arbitraire pour les emprunts oblige les législateurs à faire des choix en matière de dépenses et de fiscalité.
- Clauses de caducité Les projets de loi de crédits de dépenses obligent théoriquement les politiciens à prendre une nouvelle décision pour renouveler ou mettre fin à une autorisation de dépenses lorsqu'elle expire.
- UN algorithme un pour un stipule qu'un nouveau règlement ne peut être émis que si un autre est abrogé.
Encore un de ceux-là Importations américaines – la « législation du paiement à la carte », souvent abrégée en « paiement à la carte », est entrée dans la prochaine campagne électorale fédérale canadienne via une promesse de Pierre Poilievre lorsqu’il faisait campagne pour devenir chef du Parti conservateur. Il s’agit d’un algorithme simple du un pour un : en théorie, pour chaque dollar de nouvelles dépenses, un dollar doit être coupé ailleurs.
Et voilà ! La croissance des dépenses publiques est plafonnée. C'est une de ces phrases qui plaisent à certains et qui sont probablement bien accueillies par les groupes de discussion, mais qui soulèvent une foule de questions dans la pratique.
Le monde réel des dépenses publiques
Le premier problème est que la plupart des dépenses du gouvernement fédéral sont délibérément destinées à augmenter parce qu’elles sont censées suivre la croissance de la population ou des données démographiques liées aux politiques, comme le nombre de personnes âgées, d’enfants ou d’Autochtones.
Salaires et pensions Les dépenses publiques augmentent généralement au fil du temps, en fonction de l’inflation. C’est pourquoi, lorsque nous parlons de dépenses, nous devons souvent nous ajuster aux dollars « réels », les convertir en dépenses par habitant ou les considérer par rapport à la taille de l’économie globale.
Alors, qu’est-ce qui devrait être considéré comme une « nouvelle dépense » dans l’algorithme de la législation par répartition ?
Est-ce que cela comprendrait l'indexation sur l'inflation et la croissance démographique qui fait augmenter les dépenses annuelles consacrées aux pensions de vieillesse ou aux allocations aux anciens combattants? Des augmentations similaires des transferts fédéraux aux provinces et aux territoires pour les soins de santé constitueraient-elles de « nouvelles » dépenses?
Qu'en est-il des allocations aux services de santé, d'éducation et de protection de l'enfance sur les territoires des Premières Nations alors que les populations autochtones augmentent? Des fonds pour l'armée et la GRC? Des paiements aux agriculteurs pour les mauvaises récoltes? Des paiements au titre des programmes de secours en cas de catastrophe?
On voit bien le problème. C’est pourquoi les responsables politiques qui élaborent les lois de financement par répartition insèrent inévitablement une série d’exemptions dans leur algorithme pour apaiser les parties prenantes et priver leurs adversaires d’un moyen évident de les utiliser contre eux. « Ne vous inquiétez pas, la nouvelle loi ne vous concerne pas. Nous parlons de dépenses pour quelqu’un d’autre. »
Par exemple, les dépenses consacrées à la défense, à la sécurité, au renseignement et à la sécurité des frontières seraient-elles exemptées ou réduites? Qu'en est-il des dépenses consacrées aux services aux Autochtones?
Plus il y a d’exemptions – soit explicitement dans la législation initiale, soit par des régressions politiques –, moins la législation a de sens. Elle risque également de devenir plus déroutante à mesure que l’on s’éloigne du principe selon lequel « un dollar est un dollar ».
Le problème suivant dans le système de répartition est de déterminer quelle doit être la réduction compensatoire dans les autres dépenses. Elle ne concernera pas les programmes et les transferts qui ont été exemptés. L'algorithme de répartition a pré-imposé un jugement sur ce qui constitue la part des dépenses publiques qui peut être réduite. Mais il n'est pas très utile pour décider où d'autres coupes doivent être opérées.
Ce sont ces choix qui perturbent les ministres des Finances et les examens des dépenses. Comment répartir les coupes budgétaires entre les programmes et les organismes ? Ces choix mettent à rude épreuve la solidarité ministérielle et attirent l’attention des lobbyistes, des groupes d’intérêt et des autres paliers de gouvernement.
Les approches de la législation sur le système de répartition sont beaucoup trop simplistes
Une variante du système de répartition consiste à dire que si le ministre A veut dépenser davantage, il doit trouver des moyens de compenser les coupes dans son portefeuille. Or, ce portefeuille peut réellement avoir besoin d'une augmentation.
Une autre approche consiste à ajouter un autre sous-algorithme mécanique simple où tout ce qui se trouve du côté découpable de l'algorithme de paiement est gelé ou coupé du même pourcentage. C'est le séquestration dont vous entendez parler dans les nouvelles américaines.
Aux États-Unis, la bataille rhétorique autour des dépenses de sécurité sociale et de défense est incessante et n'est jamais résolue. La situation ne sera pas plus facile au Canada, où 70 % des dépenses fédérales sont des transferts aux particuliers ou à d'autres niveaux de gouvernement, qui opposeraient tous une résistance farouche aux coupes budgétaires proposées.
Une tension sur la solidarité ministérielle
Au Canada, tout algorithme de répartition entraînerait inévitablement une réduction des budgets de fonctionnement et des organismes fédéraux.
Si le gouvernement n’envisage pas de geler les salaires, les budgets de fonctionnement connaîtront bientôt une nouvelle compression, qui réduira progressivement les investissements dans la formation et la technologie et réduira les contrôles et les services internes. Au fil du temps, les chances que les bonnes personnes soient affectées aux bonnes priorités diminueront et la capacité de l’État à fournir les services nécessaires s’érodera.
La théorie derrière la loi par répartition est qu’elle force les politiciens réticents à faire des choix inconfortables. Mais dans la pratique, au Canada, qui aurait le droit de prendre les décisions que l’algorithme exige ?
Les changements majeurs dans les habitudes de dépenses au Canada surviennent normalement dans le budget fédéral annuel ou dans une version d’un examen officiel des dépenses, comme celui des années 1990. examen du programme ou le 2012 plan d'action pour la réduction du déficitIl semble fort probable que le principe de la répartition constituerait une autre complication pour le ministre des Finances dans les semaines précédant le budget.
La dynamique politique au sein d’un gouvernement est tendue lorsqu’il doit envisager des coupes budgétaires. Les membres du Cabinet et du caucus auraient-ils leur mot à dire sur les décisions qui les concernent en tant qu’équipe ? Qui déciderait de ce qui est « juste » ou politiquement judicieux ? Les ministres et les députés sont toujours très sensibles à la répartition géographique des coupes, comme ils devraient l’être.
La solidarité ministérielle pourrait être mise à rude épreuve dans le cadre d’un système de répartition. Si la croissance qui a entraîné la nécessité de procéder à des coupes budgétaires provenait du ministre et du ministère A, comment les parties prenantes du ministre et du ministère B réagiraient-elles si elles étaient touchées ?
Le plus gros problème avec les algorithmes, c’est qu’ils ne fonctionnent presque jamais comme prévu. Dans la pratique américaine, amener les politiciens au bord du défaut de paiement automatique de la dette ou déclencher des coupes automatiques dans les programmes (séquestration) ne fonctionne pas.
Pendant 13 années consécutives, le Congrès n’a jamais autorisé l’entrée en vigueur des coupes budgétaires imposées par la loi de 2010 sur le financement par répartition, en adoptant toujours une dérogation. Tout ce que cette loi a fait, c’est créer des crises artificielles et un théâtre politique, contribuer à polariser la politique au lieu de trouver un compromis, et détourner l’énergie du débat sur des réformes sérieuses.
Après plus d’une décennie de système de financement par répartition, les congrès américains successifs ne sont pas plus près d’entreprendre une réforme sérieuse des dépenses fédérales.
Est-ce que tout cela est juste pour le spectacle ou pour créer le chaos ?
Il y a deux interprétations possibles de ce que pourrait signifier une loi sur le financement par répartition au Canada. La première est que les promoteurs savent qu'il s'agit simplement d'une mesure de façade – une forme de vertu fiscale – et qu'ils n'ont aucune intention de l'appliquer avec rigueur. L'avenir serait rempli d'exemptions, de dérogations et de prolongations. Cela rend la base heureuse et ressemble à une décision. Mais ce n'est pas sérieux.
L’autre possibilité est que la situation soit grave et qu’elle crée à intervalles réguliers un véritable désordre pour les gouvernements futurs et pour les choix budgétaires futurs. On ne parviendra pas à un gouvernement plus efficace en laissant un algorithme manipuler les cartes, déformer les options, créer des crises inutiles et artificielles et éroder furtivement les secteurs du gouvernement qui n’ont pas de défenseurs politiques et médiatiques.
Alors, qu’est-ce qui nous attend : un discours vertueux et creux ou un désastre budgétaire ? Nous pouvons faire mieux, dans un sens comme dans l’autre.
Tout parti politique qui souhaite prendre des mesures concrètes pour limiter les dépenses doit le faire de manière sérieuse : faire savoir aux Canadiens avant les élections ce qu’il considère comme pouvant être réduit et ce qu’il considère comme une priorité. Une fois au pouvoir, il doit mettre en place un processus de délibération. L’examen des programmes des années 1990 pourrait être mon point de départ pour concevoir le prochain.
Ce qui est essentiel et ce qui est discrétionnaire dans les dépenses publiques est un jugement politique éclairé par des idéologies et des valeurs – un jugement qui doit s’adapter au fil du temps aux nouveaux faits et réalités.
Il existe de nombreuses autres solutions pour les politiciens démocratiquement élus, qui pourraient s'attaquer à la limitation des dépenses et y parvenir. La loi sur le financement par répartition n'est pas une bonne solution et devrait être abandonnée avant que les programmes pour les prochaines élections ne soient rédigés – après quoi il sera difficile de revenir en arrière.