Article original le 7 juin 2024

À l’aube de la 32e Semaine nationale de la fonction publique, il convient de rappeler l’objectif initial de cette semaine : « reconnaître la valeur des services rendus par les fonctionnaires fédéraux ». Au fil des ans, la Semaine a peut-être mieux réussi à offrir une plateforme pour des activités visant à promouvoir la fierté et la reconnaissance interne qu’à rejoindre le grand public, mais cette année, il est peut-être particulièrement important de commencer à mobiliser un public plus large.

Le secteur public entre dans une nouvelle période de changements radicaux. C’est précisément le moment de défendre l’importance d’une fonction publique dynamique et efficace et de plaider pour une gestion réfléchie et intelligente de ces forces de changement.

Un Canadien sur cinq travaille dans le secteur public, que ce soit au niveau fédéral, provincial, territorial, municipal ou autochtone. Les dernières années ont déjà été marquées par des « eaux agitées », à commencer par l’arrivée de la pandémie en 2020. Les efforts déployés par les services publics pour faire face à la crise de santé publique, stabiliser l’économie, maintenir les chaînes d’approvisionnement en mouvement et adapter un large éventail de services externes et internes à la prestation en ligne ont été salués par de nombreux Canadiens. Ces réalisations sont d’autant plus extraordinaires que les fonctionnaires ont également dû faire face aux mesures de confinement et de contrôle des infections, tout en prenant soin de leur famille.

La pandémie a eu plusieurs répercussions. Elle a accéléré le passage de nombreux flux de travail aux plateformes en ligne, du partage de documents à la tenue de réunions. L’émergence du travail hybride, combinée au retour de l’inflation après des décennies d’absence, a créé un environnement tendu pour les négociations collectives post-pandémie. Nous avons assisté à des mesures de grève dans plusieurs provinces et à la première grève de la fonction publique fédérale depuis une génération. La reprise rapide des voyages après deux ans de restrictions a attiré l’attention sur les passeports et les services frontaliers.

Pendant ce temps, les services publics, comme le reste de la société, sont secoués depuis 2020 par des conversations gênantes sur le racisme et sur le chemin qu’il nous reste à parcourir au Canada sur la voie de la réconciliation avec les peuples autochtones.

L’année dernière, le gouvernement fédéral a commencé à freiner légèrement les budgets de fonctionnement depuis dix ans et, cette année, il a annoncé son intention de réduire en douceur les effectifs. Ces mesures sont loin d’être aussi importantes que celles de l’examen des programmes de 1995 ou du plan de réduction du déficit de 2012, mais elles marquent un tournant vers la modération.

L’année écoulée a également attiré l’attention sur le rôle des entrepreneurs et des consultants externes. L’intention floue du gouvernement fédéral de rapatrier une partie de ce travail vers les fonctionnaires n’a pas encore été confirmée par un effort accru de formation de ces derniers. L’attention portée aux « activités annexes » dans la passation de marchés par certains fonctionnaires a porté un sérieux préjudice à la réputation de l’entreprise et une réforme plus profonde des marchés publics est désormais à l’ordre du jour.

Alors que nous dressons le bilan de 2024, il semble peu probable que les services publics au Canada connaissent un répit ou un retour à des eaux plus calmes. Certaines forces importantes continueront de créer des défis, mais aussi des opportunités.

Certains d’entre eux ressemblent à des astéroïdes en approche, car ils étaient là avant, mais ils se profilent désormais plus gros dans le ciel. Cette combinaison pourrait signifier plusieurs années de perturbations avant qu’une « nouvelle normalité » n’émerge.
 

Changement de vent politique

Le premier est le cycle politique. Bien que rien ne soit jamais inévitable, les sondages indiquent que la fonction publique fédérale doit maintenant s’acquitter de ses tâches auprès d’un gouvernement déjà très occupé et d’un gouvernement en attente qu’elle doit anticiper. De grands changements sont également possibles lors des prochaines élections provinciales. Gardez un œil sur le Québec et le retour possible des séparatistes au pouvoir en 2026.

Les élections fédérales, quelle que soit leur occurrence, présenteront aux Canadiens des programmes très différents, non seulement composés de promesses politiques et de slogans accrocheurs, mais aussi d’opinions sous-jacentes sur la taille du gouvernement et le rôle du gouvernement fédéral au sein de notre fédération.

Ce sont ces points de vue sous-jacents qui détermineront la manière dont le prochain gouvernement procédera à un examen sérieux des dépenses fédérales. Une alliance de groupes de pression, d’experts des médias, d’universitaires et de politiciens plaide en faveur d’une réduction des dépenses du gouvernement fédéral (bien qu’ils n’offrent que peu d’idées précises sur les domaines et les modalités de cette réduction). Une nouvelle série d’examens de l’ampleur de ceux de 1995 ou de 2012 semble inévitable après les élections.
 

L'avènement de l'intelligence artificielle

Même si ce n’est pas le cas, nous allons assister à une vague de changements provoqués par l’utilisation de l’intelligence artificielle. L’IA est un terme générique qui recouvre toute une gamme d’outils. Certains sont la reconnaissance faciale, la traduction et les chatbots qui nous sont déjà familiers lorsque nous parcourons nos smartphones. D’autres sont les nouveaux outils génératifs qui peuvent être exploités pour la rédaction et la création de contenu. Les éléments véritablement disruptifs de l’IA proviennent des « logiciels d’apprentissage » et des modèles de prédiction qui progressent rapidement et qui peuvent et vont remplacer ou assister de nombreuses tâches cognitives qui étaient auparavant effectuées par des humains.

L’horizon à moyen terme est désormais celui d’une multitude de changements dans les organisations, les métiers et les lieux, quels que soient les agendas politiques et les chocs découlant de la situation géopolitique ou des élections américaines.

Les dirigeants de la fonction publique devront composer avec des intérêts divergents qui mettent à rude épreuve la solidarité. L’une des lignes de fracture potentielles est d’ordre générationnel, car les jeunes employés deviennent une sous-classe vulnérable lorsque les réductions budgétaires commencent. Il y a déjà beaucoup de jeunes employés à durée déterminée qui occupent des emplois précaires. Si l’ancienneté est intégrée de manière plus explicite dans l’algorithme de licenciement des employés permanents (l’ajustement des effectifs est l’euphémisme), cette tension sera encore plus évidente. Certains lecteurs pourraient être sensibilisés par des flashbacks sur les discussions concernant les indemnités de départ anticipé, les échanges d’emploi, l’ordre inverse des processus de mérite et les offres d’emploi raisonnables.

À quoi ressemblera une offre d’emploi raisonnable maintenant que de nombreux fonctionnaires travaillent à domicile dans des endroits éloignés ? Une autre ligne de fracture est apparue entre la moitié environ de la fonction publique fédérale qui a la possibilité de travailler de façon « hybride » et l’autre moitié qui a toujours dû se présenter à des lieux de travail physiques en raison de la nature de son travail. Parfois, ces lignes de fracture se retrouvent au sein d’un même ministère ou organisme.
 

Avons-nous dépassé le « pic d’Ottawa » ?

Je prédis que la combinaison des impératifs budgétaires, de l’intelligence artificielle et du travail hybride incitera les gouvernements à déplacer l’empreinte globale de la fonction publique fédérale hors de la région de la capitale nationale. Nous avons probablement dépassé le « pic d’Ottawa » en tant que ville gouvernementale.

Il ne s’agit pas d’une prévision pessimiste. Certains de ces changements peuvent être une bonne nouvelle. Le travail hybride a profité à de nombreux fonctionnaires ayant des responsabilités familiales et pourrait finir par ouvrir un bassin de talents potentiels et créer davantage de bons emplois partout au Canada. À mesure que les choses s’amélioreront, l’IA aidera les Canadiens à s’y retrouver dans les services transactionnels et les créneaux de service et à obtenir les informations qu’ils recherchent. L’assistance de l’IA facilitera des fonctions telles que l’établissement des coûts, l’analyse financière, les conseils juridiques et le tri des dossiers et des piles de demandes.

J’espère que l’aide de l’IA permettra de réaliser des avancées depuis longtemps attendues dans des domaines traditionnellement difficiles à modifier, comme la dotation en personnel, la classification, l’approvisionnement et la gestion des dossiers. Imaginez que chaque description de poste et chaque convention collective de l’ensemble de la fonction publique puisse être intégrée dans un modèle d’IA solide conçu pour les services de ressources humaines.

L’autre changement, qui sera probablement plus controversé, est la manière dont l’amélioration rapide des outils de traduction et d’interprétation basés sur l’IA remettra en question notre façon de penser la langue de travail et les définitions du bilinguisme.

L’essentiel à retenir de la vague de changements à venir n’est pas de la nier, mais de la gérer de manière réfléchie et proactive afin que le secteur public puisse entrer dans les années 2030 en meilleure position que jamais. Il peut être plus petit, plus plat, plus agile et plus productif tout en continuant à offrir une valeur réelle aux Canadiens. La fonction publique peut continuer d’être un excellent cheminement de carrière, plein de possibilités et de sens pour les nouvelles générations, comme ce fut le cas pour la mienne.

Dans cette optique, il était tout à fait opportun d’engager un dialogue avec les fonctionnaires au cours de l’année écoulée sur les valeurs et l’éthique. Cela permettra de définir une orientation. Des questions difficiles ont fait surface, notamment la question de savoir jusqu’où les fonctionnaires peuvent aller pour s’exprimer sur les plateformes de médias sociaux.

La productivité du secteur public sera au cœur des débats. On a beaucoup parlé ces derniers mois de la productivité globale du Canada, qui accuse un retard. Certains commentateurs voient dans la réduction de la taille de l'État et de la fonction publique une partie de la solution.

Il leur reste à franchir l’étape suivante et à identifier les postes à supprimer, à conserver et à renforcer. Une attention particulière à la productivité impliquerait d’investir dans la formation et la technologie, à l’instar du secteur privé.
 

Un toast au secteur public

Il y a une meilleure conversation à avoir, une conversation qui commence par la reconnaissance de la valeur d’un secteur public dynamique et efficace.

Nous pouvons commencer par examiner la contribution d’un secteur public efficace à l’économie. Le Canada présente de nombreux avantages, notamment une main-d’œuvre instruite et en santé, des infrastructures physiques, des agences fiscales et une gestion des frontières efficaces, ainsi que des marchés de confiance pour les producteurs et les consommateurs, les investisseurs et les prêteurs, les inventeurs et les innovateurs. Les conseils de recherche du secteur public et les laboratoires internes sont les moteurs de l’innovation d’une grande partie des produits que le secteur privé commercialise. Les services publics facilitent le commerce et l’investissement.

Certains de ces aspects sont cachés au grand jour, comme l'importance de la Garde côtière canadienne, des ports et du pilotage pour plus de 200 milliards de dollars par an dans le commerce maritime ou l'importance du service météorologique d'Environnement Canada pour l'agriculture, le tourisme et les loisirs. On ignore encore davantage l'importance de Statistique Canada et d'autres organismes dans la production des données et des informations sur lesquelles le secteur privé s'appuie pour prendre des décisions.

Plus de 65 000 fonctionnaires « montent la garde » pour le Canada dans un monde de plus en plus dangereux en travaillant dans les domaines de la défense, de la sécurité et du renseignement, de la cybersécurité, de la garde côtière, de la GRC et des services frontaliers. Est-ce le moment de réduire les dépenses?

Alors que nous nous tournons vers l’avenir et réfléchissons à la manière de défendre notre démocratie, l’importance du secteur public en tant que réservoir de faits, de données, de preuves et de données scientifiques authentiques et fiables n’a jamais été aussi grande. Les services publics peuvent aider les Canadiens, leurs gouvernements et leurs journalistes à faire face à l’assaut de la désinformation. Les services publics devront devenir plus compétents et plus proactifs dans leurs efforts pour conserver et renforcer un terrain d’entente et la confiance. Malheureusement, les fonctionnaires seront davantage exposés aux abus et au doxxing en ligne.

Le changement est en marche. Si nous agissons de manière réfléchie et réfléchie, nous pourrons améliorer les capacités de la fonction publique, résoudre certains problèmes anciens et nouveaux et en sortir plus forts que jamais. Cela nécessitera de tirer les leçons du passé, où nous avons trop souvent réduit les éléments qui comptent pour les capacités futures, comme la formation, l’apprentissage continu et l’investissement dans les services internes.

Nous n'y parviendrons pas en réduisant systématiquement le budget et en recourant aux vieilles stratégies consistant à réduire les déplacements et la formation. Il faudra que nos responsables politiques, mais aussi la nouvelle génération de dirigeants de la fonction publique, fassent des choix difficiles en matière de priorités.

La Semaine nationale de la fonction publique est importante. C'est l'occasion de reconnaître et de célébrer les contributions et les réalisations des employés. Mais c'est aussi l'occasion de réaffirmer et de renouveler l'engagement. Les fonctionnaires devront faire preuve de résilience, de persévérance et d'un optimisme sans faille face à l'avenir. Ils auront besoin de l'encouragement et du soutien de leurs concitoyens canadiens, car après tout, c'est dans notre intérêt à tous.

Article original le 7 juin 2024

À l’aube de la 32e Semaine nationale de la fonction publique, il convient de rappeler l’objectif initial de cette semaine : « reconnaître la valeur des services rendus par les fonctionnaires fédéraux ». Au fil des ans, la Semaine a peut-être mieux réussi à offrir une plateforme pour des activités visant à promouvoir la fierté et la reconnaissance interne qu’à rejoindre le grand public, mais cette année, il est peut-être particulièrement important de commencer à mobiliser un public plus large.

Le secteur public entre dans une nouvelle période de changements radicaux. C’est précisément le moment de défendre l’importance d’une fonction publique dynamique et efficace et de plaider pour une gestion réfléchie et intelligente de ces forces de changement.

Un Canadien sur cinq travaille dans le secteur public, que ce soit au niveau fédéral, provincial, territorial, municipal ou autochtone. Les dernières années ont déjà été marquées par des « eaux agitées », à commencer par l’arrivée de la pandémie en 2020. Les efforts déployés par les services publics pour faire face à la crise de santé publique, stabiliser l’économie, maintenir les chaînes d’approvisionnement en mouvement et adapter un large éventail de services externes et internes à la prestation en ligne ont été salués par de nombreux Canadiens. Ces réalisations sont d’autant plus extraordinaires que les fonctionnaires ont également dû faire face aux mesures de confinement et de contrôle des infections, tout en prenant soin de leur famille.

La pandémie a eu plusieurs répercussions. Elle a accéléré le passage de nombreux flux de travail aux plateformes en ligne, du partage de documents à la tenue de réunions. L’émergence du travail hybride, combinée au retour de l’inflation après des décennies d’absence, a créé un environnement tendu pour les négociations collectives post-pandémie. Nous avons assisté à des mesures de grève dans plusieurs provinces et à la première grève de la fonction publique fédérale depuis une génération. La reprise rapide des voyages après deux ans de restrictions a attiré l’attention sur les passeports et les services frontaliers.

Pendant ce temps, les services publics, comme le reste de la société, sont secoués depuis 2020 par des conversations gênantes sur le racisme et sur le chemin qu’il nous reste à parcourir au Canada sur la voie de la réconciliation avec les peuples autochtones.

L’année dernière, le gouvernement fédéral a commencé à freiner légèrement les budgets de fonctionnement depuis dix ans et, cette année, il a annoncé son intention de réduire en douceur les effectifs. Ces mesures sont loin d’être aussi importantes que celles de l’examen des programmes de 1995 ou du plan de réduction du déficit de 2012, mais elles marquent un tournant vers la modération.

L’année écoulée a également attiré l’attention sur le rôle des entrepreneurs et des consultants externes. L’intention floue du gouvernement fédéral de rapatrier une partie de ce travail vers les fonctionnaires n’a pas encore été confirmée par un effort accru de formation de ces derniers. L’attention portée aux « activités annexes » dans la passation de marchés par certains fonctionnaires a porté un sérieux préjudice à la réputation de l’entreprise et une réforme plus profonde des marchés publics est désormais à l’ordre du jour.

Alors que nous dressons le bilan de 2024, il semble peu probable que les services publics au Canada connaissent un répit ou un retour à des eaux plus calmes. Certaines forces importantes continueront de créer des défis, mais aussi des opportunités.

Certains d’entre eux ressemblent à des astéroïdes en approche, car ils étaient là avant, mais ils se profilent désormais plus gros dans le ciel. Cette combinaison pourrait signifier plusieurs années de perturbations avant qu’une « nouvelle normalité » n’émerge.
 

Changement de vent politique

Le premier est le cycle politique. Bien que rien ne soit jamais inévitable, les sondages indiquent que la fonction publique fédérale doit maintenant s’acquitter de ses tâches auprès d’un gouvernement déjà très occupé et d’un gouvernement en attente qu’elle doit anticiper. De grands changements sont également possibles lors des prochaines élections provinciales. Gardez un œil sur le Québec et le retour possible des séparatistes au pouvoir en 2026.

Les élections fédérales, quelle que soit leur occurrence, présenteront aux Canadiens des programmes très différents, non seulement composés de promesses politiques et de slogans accrocheurs, mais aussi d’opinions sous-jacentes sur la taille du gouvernement et le rôle du gouvernement fédéral au sein de notre fédération.

Ce sont ces points de vue sous-jacents qui détermineront la manière dont le prochain gouvernement procédera à un examen sérieux des dépenses fédérales. Une alliance de groupes de pression, d’experts des médias, d’universitaires et de politiciens plaide en faveur d’une réduction des dépenses du gouvernement fédéral (bien qu’ils n’offrent que peu d’idées précises sur les domaines et les modalités de cette réduction). Une nouvelle série d’examens de l’ampleur de ceux de 1995 ou de 2012 semble inévitable après les élections.
 

L'avènement de l'intelligence artificielle

Même si ce n’est pas le cas, nous allons assister à une vague de changements provoqués par l’utilisation de l’intelligence artificielle. L’IA est un terme générique qui recouvre toute une gamme d’outils. Certains sont la reconnaissance faciale, la traduction et les chatbots qui nous sont déjà familiers lorsque nous parcourons nos smartphones. D’autres sont les nouveaux outils génératifs qui peuvent être exploités pour la rédaction et la création de contenu. Les éléments véritablement disruptifs de l’IA proviennent des « logiciels d’apprentissage » et des modèles de prédiction qui progressent rapidement et qui peuvent et vont remplacer ou assister de nombreuses tâches cognitives qui étaient auparavant effectuées par des humains.

L’horizon à moyen terme est désormais celui d’une multitude de changements dans les organisations, les métiers et les lieux, quels que soient les agendas politiques et les chocs découlant de la situation géopolitique ou des élections américaines.

Les dirigeants de la fonction publique devront composer avec des intérêts divergents qui mettent à rude épreuve la solidarité. L’une des lignes de fracture potentielles est d’ordre générationnel, car les jeunes employés deviennent une sous-classe vulnérable lorsque les réductions budgétaires commencent. Il y a déjà beaucoup de jeunes employés à durée déterminée qui occupent des emplois précaires. Si l’ancienneté est intégrée de manière plus explicite dans l’algorithme de licenciement des employés permanents (l’ajustement des effectifs est l’euphémisme), cette tension sera encore plus évidente. Certains lecteurs pourraient être sensibilisés par des flashbacks sur les discussions concernant les indemnités de départ anticipé, les échanges d’emploi, l’ordre inverse des processus de mérite et les offres d’emploi raisonnables.

À quoi ressemblera une offre d’emploi raisonnable maintenant que de nombreux fonctionnaires travaillent à domicile dans des endroits éloignés ? Une autre ligne de fracture est apparue entre la moitié environ de la fonction publique fédérale qui a la possibilité de travailler de façon « hybride » et l’autre moitié qui a toujours dû se présenter à des lieux de travail physiques en raison de la nature de son travail. Parfois, ces lignes de fracture se retrouvent au sein d’un même ministère ou organisme.
 

Avons-nous dépassé le « pic d’Ottawa » ?

Je prédis que la combinaison des impératifs budgétaires, de l’intelligence artificielle et du travail hybride incitera les gouvernements à déplacer l’empreinte globale de la fonction publique fédérale hors de la région de la capitale nationale. Nous avons probablement dépassé le « pic d’Ottawa » en tant que ville gouvernementale.

Il ne s’agit pas d’une prévision pessimiste. Certains de ces changements peuvent être une bonne nouvelle. Le travail hybride a profité à de nombreux fonctionnaires ayant des responsabilités familiales et pourrait finir par ouvrir un bassin de talents potentiels et créer davantage de bons emplois partout au Canada. À mesure que les choses s’amélioreront, l’IA aidera les Canadiens à s’y retrouver dans les services transactionnels et les créneaux de service et à obtenir les informations qu’ils recherchent. L’assistance de l’IA facilitera des fonctions telles que l’établissement des coûts, l’analyse financière, les conseils juridiques et le tri des dossiers et des piles de demandes.

J’espère que l’aide de l’IA permettra de réaliser des avancées depuis longtemps attendues dans des domaines traditionnellement difficiles à modifier, comme la dotation en personnel, la classification, l’approvisionnement et la gestion des dossiers. Imaginez que chaque description de poste et chaque convention collective de l’ensemble de la fonction publique puisse être intégrée dans un modèle d’IA solide conçu pour les services de ressources humaines.

L’autre changement, qui sera probablement plus controversé, est la manière dont l’amélioration rapide des outils de traduction et d’interprétation basés sur l’IA remettra en question notre façon de penser la langue de travail et les définitions du bilinguisme.

L’essentiel à retenir de la vague de changements à venir n’est pas de la nier, mais de la gérer de manière réfléchie et proactive afin que le secteur public puisse entrer dans les années 2030 en meilleure position que jamais. Il peut être plus petit, plus plat, plus agile et plus productif tout en continuant à offrir une valeur réelle aux Canadiens. La fonction publique peut continuer d’être un excellent cheminement de carrière, plein de possibilités et de sens pour les nouvelles générations, comme ce fut le cas pour la mienne.

Dans cette optique, il était tout à fait opportun d’engager un dialogue avec les fonctionnaires au cours de l’année écoulée sur les valeurs et l’éthique. Cela permettra de définir une orientation. Des questions difficiles ont fait surface, notamment la question de savoir jusqu’où les fonctionnaires peuvent aller pour s’exprimer sur les plateformes de médias sociaux.

La productivité du secteur public sera au cœur des débats. On a beaucoup parlé ces derniers mois de la productivité globale du Canada, qui accuse un retard. Certains commentateurs voient dans la réduction de la taille de l'État et de la fonction publique une partie de la solution.

Il leur reste à franchir l’étape suivante et à identifier les postes à supprimer, à conserver et à renforcer. Une attention particulière à la productivité impliquerait d’investir dans la formation et la technologie, à l’instar du secteur privé.
 

Un toast au secteur public

Il y a une meilleure conversation à avoir, une conversation qui commence par la reconnaissance de la valeur d’un secteur public dynamique et efficace.

Nous pouvons commencer par examiner la contribution d’un secteur public efficace à l’économie. Le Canada présente de nombreux avantages, notamment une main-d’œuvre instruite et en santé, des infrastructures physiques, des agences fiscales et une gestion des frontières efficaces, ainsi que des marchés de confiance pour les producteurs et les consommateurs, les investisseurs et les prêteurs, les inventeurs et les innovateurs. Les conseils de recherche du secteur public et les laboratoires internes sont les moteurs de l’innovation d’une grande partie des produits que le secteur privé commercialise. Les services publics facilitent le commerce et l’investissement.

Certains de ces aspects sont cachés au grand jour, comme l'importance de la Garde côtière canadienne, des ports et du pilotage pour plus de 200 milliards de dollars par an dans le commerce maritime ou l'importance du service météorologique d'Environnement Canada pour l'agriculture, le tourisme et les loisirs. On ignore encore davantage l'importance de Statistique Canada et d'autres organismes dans la production des données et des informations sur lesquelles le secteur privé s'appuie pour prendre des décisions.

Plus de 65 000 fonctionnaires « montent la garde » pour le Canada dans un monde de plus en plus dangereux en travaillant dans les domaines de la défense, de la sécurité et du renseignement, de la cybersécurité, de la garde côtière, de la GRC et des services frontaliers. Est-ce le moment de réduire les dépenses?

Alors que nous nous tournons vers l’avenir et réfléchissons à la manière de défendre notre démocratie, l’importance du secteur public en tant que réservoir de faits, de données, de preuves et de données scientifiques authentiques et fiables n’a jamais été aussi grande. Les services publics peuvent aider les Canadiens, leurs gouvernements et leurs journalistes à faire face à l’assaut de la désinformation. Les services publics devront devenir plus compétents et plus proactifs dans leurs efforts pour conserver et renforcer un terrain d’entente et la confiance. Malheureusement, les fonctionnaires seront davantage exposés aux abus et au doxxing en ligne.

Le changement est en marche. Si nous agissons de manière réfléchie et réfléchie, nous pourrons améliorer les capacités de la fonction publique, résoudre certains problèmes anciens et nouveaux et en sortir plus forts que jamais. Cela nécessitera de tirer les leçons du passé, où nous avons trop souvent réduit les éléments qui comptent pour les capacités futures, comme la formation, l’apprentissage continu et l’investissement dans les services internes.

Nous n'y parviendrons pas en réduisant systématiquement le budget et en recourant aux vieilles stratégies consistant à réduire les déplacements et la formation. Il faudra que nos responsables politiques, mais aussi la nouvelle génération de dirigeants de la fonction publique, fassent des choix difficiles en matière de priorités.

La Semaine nationale de la fonction publique est importante. C'est l'occasion de reconnaître et de célébrer les contributions et les réalisations des employés. Mais c'est aussi l'occasion de réaffirmer et de renouveler l'engagement. Les fonctionnaires devront faire preuve de résilience, de persévérance et d'un optimisme sans faille face à l'avenir. Ils auront besoin de l'encouragement et du soutien de leurs concitoyens canadiens, car après tout, c'est dans notre intérêt à tous.